
Olives | ~js-sj
Quand les olives sont presque mûres
Dans la vaste plaine hors du village,
Quand les olives sont presque mûres,
Je sors après le coucher du soleil.
Je réfléchis et je vois peu.
Parfois je réfléchis davantage, avec une profondeur particulière et un sens du détail
Comme en a celui-là seul qui réfléchit davantage,
Pour me rendre compte à la lisière du village
Que mon bonheur ne réside pas dans la réflexion.
Non, pas dans la réflexion.
Je sens en moi la vie qui marche là-dehors.
Je sors quand les olives sont presque mûres.
Je sors pour ne rien faire
Et ne sors pas pour faire quelque chose.
Pas plus une chose extraordinaire qu’une petite chose,
Pas plus une chose qui enrichisse le monde
Qu’une chose qui m’attire la colère
De ceux qui ont des ampoules.
Quand dans la vaste plaine hors du village
Les olives sont presque mûres,
Je sors.
Cette logique me suffit.
L’obscurité protège ce qui est sombre
Et révèle ce qui éclaire.
Quand le soleil dort
La lune est une figure géométrique.
Au-dessous je trouve mon chemin sans raison
Dans les rues riches et dans les rues pauvres,
Entre des maisons splendides, entre des maisons miteuses,
Un chemin qui est pavé
De gens qui chantent leur solitude
Et de gardiens du sobre bon sens.
Le cinéma se vide.
Je me mêle au public.
Angoisse.
Enchantement.
Comme si les olives étaient presque mûres…
Le cinéma se vide.
Sans bruit, simplement,
Comme toujours.
Je vais dans les rues
Et les rues vont en moi…
Mes armes sont modestes.
Un seul mot venu de ma jeunesse,
Le temps, mes mains.
Avec eux seuls je sors sans rien attendre.
A un coin je tue un peu de désespoir,
Au suivant je suis content,
Inaperçu, je reste muet devant les ponts,
Inaperçu, je parle à l’obscurité.
En moi est une vie rugueuse.
En moi est une vie mélancolique.
En moi est une vie dans la rue.
D’abord je regarde ma chérie.
“Que tu es jolie. Je reviens tout de suite.”
Et ma chérie murmure: “Ne me quitte pas.”
Je murmure: “O chérie,
N’aie pas peur.
En moi est une vie qui ne réside pas dans la réflexion.”
Arjen Duinker 1990
Traduit par Jan H. Mysjkin et Pierre Gallissaires (Action Poétique 156)